La crise du Covid-19 a mis en lumière l’engagement indéfectible des professionnels de santé, en première ligne pour assurer le bien-être et la sécurité de la population. Cependant, derrière cette vocation, elle a également révélé des conditions de travail éprouvantes, mettant en danger leur santé physique et mentale.
Cette réalité est particulièrement préoccupante, car le bien-être des soignants est étroitement lié à la qualité des soins qu’ils dispensent. Malgré cela, la souffrance des professionnels de santé reste encore aujourd’hui un sujet tabou, freinant l’émergence de réponses adaptées.
Depuis octobre 2024, le fonds de dotation Nos Épaules et Vos Ailes soutient l’association MOTS, qui a conçu et développé un outil numérique aidant les professionnels de santé à auto-évaluer les facteurs de protection et de risque pouvant affecter leur santé, leur exercice professionnel et leur équilibre personnel.
Retour sur les enjeux liés à la prévention et à l’accompagnement des professionnels de santé.
Burn-out des professionnels de santé : une réalité alarmante
La crise sanitaire a mis en évidence les conditions de travail souvent difficiles des soignants, tant dans les établissements hospitaliers qu’en exercice libéral. En mars 2023, le gouvernement a lancé une consultation nationale pour évaluer leur état de santé après la crise sanitaire et proposer des mesures concrètes d’amélioration. Cette enquête, qui a recueilli près de 50 000 réponses, a révélé que les soignants souffrent particulièrement de leur charge de travail et de la difficulté à concilier vie professionnelle et personnelle.
Ainsi, 55 % des répondants déclarent avoir connu un ou plusieurs épisodes d’épuisement professionnel, quel que soit leur mode d’exercice. Fatigue persistante, sommeil perturbé et angoisses figurent parmi les symptômes les plus fréquents. Ce phénomène touche plus particulièrement les médecins (62 %), les infirmiers et les aides-soignants (61 %). Ces chiffres sont d’autant plus préoccupants qu’ils dépassent largement ceux de la population générale, où 34 % des salariés français déclarent avoir vécu un burn-out[1].
Des conditions de travail éprouvantes
Le métier de soignant repose sur un engagement profond, nourri par une vocation d’aide et de soins. Toutefois, la confrontation quotidienne à la souffrance, aux attentes croissantes des patients et parfois aux incivilités met cet engagement à rude épreuve. Le manque de reconnaissance et la lourdeur des tâches administratives aggravent encore ce mal-être.
Les horaires excessifs sont un autre facteur majeur du burn-out. En moyenne, les soignants travaillent 40,39 heures par semaine, contre 39,1 heures pour l’ensemble des actifs français. Ce chiffre grimpe à 46 heures pour les libéraux et atteint 47 heures pour les médecins, voire plus de 53 heures hebdomadaires pour les généralistes. Les horaires atypiques sont également fréquents : journées de 12 heures, gardes de nuit, travail le week-end… Près de la moitié des soignants non libéraux travaillent selon des rythmes décalés, soit 4 points de plus que la moyenne nationale.
Déserts médicaux et violences : une pression croissante sur le terrain
Les déserts médicaux compliquent encore davantage la situation. Selon les projections de la DREES[2], le nombre de praticiens en activité en France est passé de 205 200 en 2002 à 186 000 en 2025, entraînant une baisse de 15,6 % de la densité médicale. L’augmentation des places en faculté ne compense pas la hausse des besoins en soins, portée par le vieillissement de la population et la progression des maladies chroniques (maladies cardiovasculaires, cancers, diabète, etc.). La part de la population active touchée par une maladie chronique évolutive est en effet passée de 15% en 2019 à 25% en 2025[3].
Par ailleurs, la mauvaise répartition des spécialistes allonge les délais de consultation, alimentant frustration et tensions. Selon l’Observatoire des violences en milieu de santé du Conseil national de l’Ordre des médecins[4], chaque jour, 65 professionnels de santé sont victimes d’agression soit physiques, soit verbales. Ces agressions ont augmenté de 65 % entre 2020 et 2023. Pour les médecins en particulier, les signalements sont passés de 955 en 2020 à
1 581 en 2023, un chiffre probablement sous-estimé car la plupart des praticiens ne déclarent pas les faits.
Des conséquences systémiques
Au-delà des souffrances individuelles, le burn-out a des répercussions directes sur la qualité des soins. L’épuisement entraîne une dépersonnalisation progressive des rapports avec les patients. Une distanciation qui déshumanise la pratique médicale et nuit à la prise en charge.
Le manque d’énergie et de concentration favorise les erreurs de diagnostic et les négligences, non par incompétence, mais par épuisement. Une équipe britannique a démontré à travers l’analyse de 170 études portant sur 239 246 médecins dans le monde que les médecins en burn-out sont 2 fois plus susceptibles d’être impliqués dans des incidents de sécurité et de présenter un manque de professionnalisme.[5]
Ce malaise généralisé pousse également de nombreux professionnels à envisager une reconversion. Jusqu’à un quart des généralistes envisagent de quitter la médecine pour une autre profession, un signal alarmant pour l’avenir du système de santé[6]. La situation est encore plus préoccupante à la lumière des dernières enquêtes sur la santé mentale des étudiants en médecine, gravement affectée par la pression extrême de leur formation : un étudiant sur deux présente des symptômes d’anxiété, un sur cinq souffre d’épisodes dépressifs, et près de 20 % ont déjà envisagé le suicide. [7]
Prendre soin des soignants : un devoir individuel et collectif
Les soignants consacrent leur vie aux autres, mais doivent aussi veiller sur leur propre santé. Le Code de Déontologie Médicale rappelle d’ailleurs que les médecins se doivent assistance. C’est dans cette perspective qu’a été créée l’association MOTS en 2010 par le Conseil Départemental de l’Ordre des Médecins de Haute-Garonne. L’objectif de cette association est de prévenir et de prendre en charge l’épuisement professionnel des soignants en leur proposant un accompagnement personnalisé, confidentiel et sur le long terme par des médecins référents.
Depuis octobre 2024, le fonds de dotation Nos Épaules et Nos Ailes soutient OASIS (Outil d’Autoévaluation pour la Santé Individuelle du Soignant), une plateforme numérique développée par MOTS. Cet outil propose aux soignants un questionnaire en ligne conçu avec des experts, leur permettant d’évaluer leur niveau de fatigue, d’optimiser l’organisation de leur travail et de détecter d’éventuels signes de souffrance mentale.
Confidentiel et adapté aux différentes spécialités (médecins libéraux, salariés, bientôt infirmiers), OASIS délivre des recommandations personnalisées et offre un accompagnement sur demande. Ce projet s’inscrit aussi dans les futures obligations du ministère de la Santé, qui exigera des soignants qu’ils veillent sur leur propre santé.

Crédit photo : pcess609
[1] Rapport sur la santé des professionnels de santé réalisé par d’Alexis Bataille-Hembert, infirmier, Docteure Marine Crest-Guilluy, médecin généraliste et Docteur Philippe Denormandie, chirurgien neuro-orthopédiste remis au gouvernement le 9 octobre 2023.
[2] Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), 2024, « La démographie médicale à l’horizon 2025 : une actualisation des projections au niveau national », novembre, n°352.
[3] Anact – Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail.
[4] Conseil national de l’Ordre des médecins, 2025, « Recensement national des incidents par la section EP du CNOM – Fiches 2023 », Observatoire de la sécurité des médecins.
[5] British Medical Journal (BMJ) 14 Sept, 2022 DOI : 10.1136/bmj-2022-070442
[6] . Entretien avec Maxim Challiot. « Chers confrères, prendre soin de soi n’est pas un luxe ! » Rev Prat Med Gen 2025 ;39(1095) ;110 – 2.
[7] DOSSIER DE PRESSE – Enquête santé mentale
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Nos Épaules et vos Ailes est le fonds de dotation de l’association GPMA qui accompagne des projets d’associations agissant dans les domaines de la santé, du handicap et contre toutes formes de fragilités sociales.
À travers trois programmes de mécénat, Nos Épaules et Vos Ailes soutient des associations pour leur permettre de développer leurs actions :
– Le partenariat pluriannuel : un soutien pluriannuel pour 7 associations partenaires ;
– Le mécénat ponctuel : un financement unique pouvant atteindre jusqu’à 20 000€ pour développer des projets associatifs ;
– L’opération Atout Soleil : chaque année depuis 2007, le prix Atout Soleil récompense une quinzaine d’associations qui œuvrent auprès des personnes vulnérables.