Avec l’allongement de l’espérance de vie, le vieillissement de la population et l’évolution des maladies chroniques, la question de la fin de vie est devenue un enjeu central et un thème de débat majeur au sein de la société. Patients et aidants sont face à des situations complexes : solitude, épuisement physique et psychologique, mais aussi quête d’une fin de vie digne.
A l’occasion de la 15ème Journée nationale des aidants, Nos Épaules et Vos Ailes souhaite mettre à l’honneur les actions portées par les associations Visitatio – Voisins & Soins et Baluchon France, qui illustrent de façon remarquable l’importance de la solidarité et de l’accompagnement de proximité pour soutenir les personnes en fin de vie et leurs proches.
L’accompagnement de la fin de vie : un défi croissant pour le système de santé
Depuis le milieu des années 2000, la France connaît une augmentation régulière du nombre de décès : il est passé d’une moyenne de 550 000 à environ 650 000 par an. Bien évidemment, la crise sanitaire a entraîné une surmortalité au cours des dernières années mais cette tendance s’explique surtout par le vieillissement de la population.
« Avec l’arrivée de la génération du ‘‘baby-boom’’ à des âges de forte mortalité, ce chiffre pourrait dépasser les 750 000 par an selon certaines projections », explique François Genin, co-fondateur de l’association Visitatio – Voisins & Soins, qui offre un accompagnement aux personnes en fin de vie pour leur permettre de rester chez elles. « Or, on estime qu’environ deux tiers des personnes qui décèdent ont besoin d’un accompagnement en soins palliatifs. La question de la prise en charge de la fin de vie représente donc un enjeu majeur pour notre système de santé et pour notre société dans son ensemble. »
A cela s’ajoute une prévalence de plus en plus forte des maladies chroniques (cancers, diabètes, maladies cardiovasculaires, etc.) et dégénératives (Alzheimer, Parkinson, etc.) qui pose de manière plus aiguë encore la question de la qualité de la prise en charge des personnes en fin de vie. Or, un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales souligne que la couverture des besoins en soins palliatifs est insuffisante pour plus de 75 % des personnes en nécessitant[1].
Respecter la volonté des personnes en fin de vie
Plus de huit patients en fin de vie sur dix (82%) affirment souhaiter mourir à leur domicile, entourés de leurs proches, plutôt qu’à l’hôpital[2]. « Nous sommes aujourd’hui loin de ce chiffre car la majorité des personnes sont prises en charge par l’hôpital et, pour la plupart, meurent dans la solitude, souligne François Genin. Cette situation n’est bonne pour personne car elle participe en plus à la saturation du système de santé : 10% des lits sont occupés par des patients à qui il reste moins de trois mois à vivre. »
La Convention citoyenne sur la fin de vie, qui a rendu ses travaux en avril 2023, s’est exprimée en faveur d’un développement de l’hospitalisation à domicile mais de nombreuses difficultés persistent : présence d’aidants, adhésion des proches à ce projet, disponibilité d’une équipe et de matériel médical, etc.
Au rang des solutions, l’association Visitatio – Voisins&Soins, soutenue par Nos Épaules et Vos Ailes, expérimente depuis plusieurs années un accompagnement assuré par des équipes composées de bénévoles, de soignants et de psychologues qui accompagnent chacune en moyenne vingt personnes par an. « Nos équipes sont organisées à l’échelle d’un quartier pour assurer une présence de proximité et apporter un soutien quotidien aux personnes en fin de vie et à leurs aidants, détaille François Genin, co-fondateur de l’association. Les soignants interviennent à titre professionnel ; leur présence active au domicile est une condition nécessaire à l’engagement des bénévoles. L’infirmière est en quelque sorte les yeux du médecin qui peut dès lors intervenir à bon escient. Elle est aussi le point naturel d’articulation avec l’équipe de bénévoles. »
Après plusieurs années d’expérimentation, ce modèle a fait ses preuves. « Nous sommes actuellement en discussion avec le ministère de la Santé pour que notre modèle puisse être reconnu et financé par l’Assurance maladie, indique François Genin. Cela nous permettrait d’essaimer l’initiative à plus grande échelle pour permettre à ce que davantage de personnes en fin de vie puisse bénéficier de cet accompagnement à domicile. »
Prévenir l’épuisement des aidants
Les proches aidants sont essentiels à l’accompagnement des personnes en fin de vie mais pour beaucoup, ce soutien peut devenir extrêmement lourd, tant physiquement qu’émotionnellement et psychologiquement. « De nombreux aidants souffrent de stress, d’isolement, voire de dépressions », explique Sandrine Constans, Responsable formation et partenariats de l’association Baluchon France. « Cet épuisement est préoccupant pour leur santé mais également pour la qualité de l’accompagnement qu’ils peuvent offrir. » Les conséquences peuvent être tragiques : 60% des aidants sont exposés à un risque de surmortalité dans les trois ans qui suivent le début de la maladie de leur proche, et un tiers des aidants décèdent avant la personne malade.
L’association Baluchon France, soutenue par Nos Épaules et Vos Ailes, a mis en place une initiative innovante, le « baluchonnage » pour soulager ces aidants tout en maintenant une qualité d’accompagnement pour les personnes dépendantes. « Le baluchonnage est un concept mis en place depuis plus de vingt ans au Québec, qui permet à un aidant familial de partir en répit pendant plusieurs jours, tout en assurant la continuité des soins à domicile, explique Sandrine Constans. Ce dispositif a d’abord été expérimenté auprès des accompagnants de malades d’Alzheimer et il s’adresse tout particulièrement aux personnes aidant un proche dont l’état de santé nécessite une présence permanente (autisme sévère, fin de vie, etc.). Notre association envoie un professionnel de confiance, spécialement formé pour prendre le relais auprès de la personne malade. »
Grâce au Baluchonnage, les aidants peuvent se ressourcer, retrouver des forces et mieux gérer leurs émotions et le stress liés à l’accompagnement. Du côté du patient, la continuité des soins à domicile est assurée, et un lien de confiance se crée avec le professionnel remplaçant.
[1] IGAS, 2017, « Les soins palliatifs et la fin de vie à domicile ».
[2] Sondage BVA pour le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (2022).
Une évolution progressive du cadre législatif
La législation encadrant la fin de vie en France a connu des évolutions majeures depuis le milieu des années 1990.
1995 : la loi Neuwirth garantit un accès de tous aux soins palliatifs.
2002 : la loi Kouchner reconnaît pour la première fois le droit du patient à exprimer ses volontés et à être au centre des décisions concernant ses soins. Elle accorde également une place importante aux directives anticipées : le patient peut désormais exprimer par écrit ses souhaits concernant les soins qu’il souhaite recevoir ou refuser en cas d’incapacité à s’exprimer.
2005 : la loi Leonetti interdit l’acharnement thérapeutique, ce qui signifie qu’un patient peut désormais demander l’arrêt d’un traitement lorsque celui-ci ne fait qu’allonger artificiellement la vie sans amélioration réelle de sa condition.
2016 : la loi Claeys-Leonetti introduit le droit à une sédation profonde et continue jusqu’au décès. Ce droit est réservé aux patients dont la souffrance est jugée insupportable et qui sont en fin de vie avec un décès inéluctable à court terme. La loi renforce également le rôle des directives anticipées, qui deviennent contraignantes pour les médecins.
Articles associés

Les services d’entraide à destination des adhérents GPMA

AFA Crohn RCH France : un stage pour les adolescents
