Cette année, notre opération de mécénat se place sous le signe de l’adolescence avec l’appel à projets « Traverser l’adolescence haut la main ». Pour le premier article de notre série sur l’adolescence, rencontre avec des associations lauréates Atout Soleil qui travaillent sur la prévention des comportements à risques.
L’adolescence est un passage normal, souvent difficile à appréhender, ponctué d’expérimentations qui vont parfois jusqu’à la prise de risque. Cette période est une phase à vif, entre deux carapaces, que Françoise Dolto a appelé le « complexe du homard ». La crise d’adolescence est aussi la crise des parents. « Vous semez un bébé et récoltez une bombe », disait le pédopsychiatre Donald W. Winnicot pour illustrer cette réorganisation psychique liée à la transformation du corps.
De l’expérimentation à la prise de risque
« Parler d’identité qui s’affirme, c’est admettre des écarts de conduite permettant à chaque ado de les mesurer puis de se synchroniser », écrit le psychiatre Xavier Pommereau. Les secousses sont donc naturelles à l’adolescence, il s’agit d’être vigilent sur leur échelle de Richter. En étant attentif à l’intensité et à la fréquence. Ainsi, tester sa résistance à l’alcool est une expérimentation du risque pratiquée par de nombreux adolescents, sa régularité devient un problème. Le spectre des conduites à risques est en évolution constante, « car les jeunes sont très imaginatifs », constate Elisabeth Coupier dont l’association Assajir travaille sur la prévention des risques routiers. « On constate une banalisation des modes d’alcoolisation ponctuelle importante en un temps très court, explique-t-elle. Ils n’ont pas conscience des risques immédiats et ils ne se projettent pas dans le retentissement à moyen et à long terme ». Le « purple drank » (mélange de sirop codéiné et de soda) fait des ravages, même si les médicaments codéinés sont vendus sur ordonnance depuis l’été dernier. Près de de 10% des jeunes de moins de 17 ans ont essayé cette « substance » qui peut mener jusqu’à l’overdose et la mort. Enfin, la drogue, notamment le cannabis (avec 1 jeune sur 5 qui en consomme), reste un problème constant. 32 % des jeunes de moins de 15 ans déclarent consommer de la drogue. Cette inconscience face à la prise de risque est également confirmée par Françoise Cochet, fondatrice de l’APEAS qui agit pour la prévention des jeux dangereux. « Les enfants et les jeunes ne connaissent pas les risques. Ils connaissent mal l’anatomie, la physiologie et n’évaluent pas l’impact des jeux dangereux sur les fonctions vitales et les séquelles irréversibles. » Toutefois évoquer les conséquences sur le corps parle plus aux adolescents. « Le handicap les touche plus que la mort ».
Accompagner les adolescents
Il est important de parler au groupe constate-t-on dans les associations. « La pression du groupe fait oublier les principes de sécurité », souligne Françoise Cochet. Dans ses interventions sur la sécurité routière, l’association Assajir explique qu’« on ne remet pas en cause l’amitié en disant à l’autre qu’il n’est pas en état de conduire. ». « Nous leur faisons prendre conscience de leur responsabilité vis-à-vis de ceux qu’ils aiment. Ils ne pensent pas cet aspect-là ». Ils ne se rendent pas compte des implications en cascade, des dégâts collatéraux des comportements à risques. Le témoignage d’Elisabeth Coupier sur l’accident de voiture qui a coûté la vie à son fils, à deux de ses amis et blessé un troisième rend le sujet très concret lors de ses interventions. Elle raconte comment le cercle familial est impacté. Elle évoque les répercussions professionnelles et économiques. Elle-même a été en arrêt maladie 8 mois, puis licenciée à son retour. Enfin, elle parle de ce jeune, seul survivant sur les quatre de cet accident de voiture, qui a laissé tomber ses études et mis 10 ans à se reconstruire. Pas de discours moralisateurs chez Assajir. « Nous ne voulons pas nous placer sur le terrain de l’émotionnel. Il faut donner des faits, parler à leur raison ».
D’ailleurs, la spécificité de cette association est de proposer une formation d’ambassadeurs de sécurité routière étalée sur deux ans, entre théorie et actions de terrain. Une formation diplômante validée par l’Etat et l’Education Nationale. « C’est important que les jeunes parlent aux jeunes pour un dialogue de proximité ».
« L’adolescence est une période d’émancipation naturelle, les parents lâchent la bride, parce que le groupe de pairs compte davantage, en apparence. Or les parents restent la référence essentielle », rappelle Elisabeth Coupier. Les parents doivent constamment poser les limites, recréer un lien, évaluer les risques.
Comme Assajir et l’APEAS, de nombreuses associations agissent sur le territoire et s’engagent au quotidien pour accompagner ces jeunes, prévenir les conduites à risque. L’appel à projets Atout Soleil 2018 a pour objectif de soutenir leurs actions et leurs projets.
En savoir plus :
> Comment participer à l’appel à projets
> APEAS
> Assajir
Références :
« Paroles pour adolescents ou Le complexe du homard », Catherine Dolto, Françoise Dolto, Colette Percheminier, éd. Gallimard « L’enfant et sa famille », Donald W. Winnicot, éd. Payot et Rivages « Le goût du risque à l’adolescence, le comprendre et l’accompagner », Xavier Pommereau dans, éd. Albin Michel Données chiffrées : enquête ESCAPAD 2017 (Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies), Portraits d’adolescents INSEM 2015, Enquête internationale HBSC 2014
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